Une de mes (tardives) découvertes dans le milieu de l’édition, c’est la richesse de l’univers des fanzines. Oui, certains de mes projets personnels s’en rapprochaient sans que je le sache (par exemple de l’autopublication satirique anonyme), mais malgré mon appréciation pour les milieux alternatifs, je n’ai jamais évolué dans ces sphères. La prochaine visite que j’organise avec l’AGBD à la Fanzinothèque Genevoise est l’occasion d’aborder leur sujet ici. Du coup (salut), commençons par la question de base : c’est quoi un fanzine ?
C’est quoi un fanzine ?
Cette question n’est pas du calibre de « Qu’est-ce que l’Art ? », mais les limites restent floues à mes yeux. Je vais donc juste vous citer la description faite par Stéphanie Probst (la fanzinothécaire genevoise) dans son travail de bachelor à la HEG :
« Par fanzine on entend tout type d’ouvrage édité en dehors du circuit traditionnel de l’édition, à faible tirage, peu cher, produit par des éditeurs indépendants, des artistes ou des amateurs. Les fanzines ou microéditions sont issus de moyens de production industriels ou artisanaux (Do It Yourself) tels que la sérigraphie, la risographie, l’offset ou la photocopie. Les formats peuvent être très divers mais sont généralement modestes et agrafés ou reliés à la main. Leur mode de distribution est souvent aléatoire et plus fréquent dans les milieux underground. »
Le nom est également un indice : Fan-Zine, ça indique à la fois l’amateurisme ou le sujet de niche (fan) et l’importance de l’aspect visuel du document (zine). Quant aux modes d’impression et de distribution, c’est du do-it-yourself qui sort des canons des collections de bibliothèques traditionnelles, s’étalant dans une culture de partage voire d’échange souvent très informelle. Dans la démocratisation de l’édition, on va ici un pas plus loin que l’autoédition « traditionnelle ».
Pour parler de quoi ?
Un fanzine, c’est donc un document contenant une forme d’information (merci Lapalisse). Il est généralement créé pour des raisons (très) personnelles sur un sujet qui nous passionne. Comme je suis très monomaniaque (même si je vous promets que j’ai une vie à côté), le premier mini-zine que j’ai réalisé quand j’ai visité la FanzinoGe était évidemment dédié… aux bibliothèques.
Oui, c’est dégueulasse, fait à l’arrache, et tout, mais ça a été improvisé. De plus, ça paraît difficile à lire comme ça, mais si vous suivez de petites instructions de montage astucieuses, sans reliure ni agrafes, pliez, fendez, et repliez, vous aurez votre mini ‘zine à lire au coin du feu. Une fois le concept compris, vous pouvez produire vous-même des fanzines sur le sujet de votre choix, les scanner, imprimer, voire photocopier, et distribuer à foison. Venant de l’open science, je jugerais utile d’y mettre une licence libre (CC BY-SA ou autre), mais la pratique ne semble pas vraiment le nécessiter – la forme semble impliquer une ouverture à la copie sauf mention contraire.
En quoi ça concerne les bibliothécaires ?
D’une part, bien évidemment, notre rôle dans la collection et la diffusion de l’information peut s’appliquer aux zines. C’est déjà le cas avec des fanzinothèques francophones par exemple à Poitiers ou à Paris, qui comme celle de Genève, sont gérées par des associations. Dans les bibliothèques plus traditionnelles, Stéphanie Probst, qui travaille à la HEAD en parallèle à ses activités artistiques et fanzinomanes, m’a indiqué que:
« La HEAD a une collection et un rayon livres d’artistes et fanzines, et on suit des éditeurs indépendants qui font de la microédition. La BAA en a aussi, mais je crois considérés plutôt comme des livres d’artistes et classés dans le fonds précieux (mais mes infos datent d’il y a 4 ans). La BGE en a quelques-uns via le dépôt légal, dont la Mouche, mais n’a pas de politique particulière à ce sujet. Il faudra lire le travail de bachelor de Cécile Aguzzi qui a réalisé une politique d’acquisition pour la Fanzino. »
Mon triste esprit professionnel me souffle qu’au-delà de ça, ce serait un bon outil de promotion pour nos institutions et services. Des bibliothécaires s’adonnent d’ailleurs à la production de fanzines sur divers sujets. Sans trop chercher, je peux citer :
- So you’re interested in library science, un « career zine » d’orientation professionnelle de Steph Noell, destiné aux personnes envisageant des études en science de l’information
- Social justice through zines, de la docteure en sociologie et bibliothécaire Julie Setele, pour promouvoir un cours
- AI is very bad, actually, un manifeste de la même autrice
- Et plein de choses chez Violet B. Fox, qui contribue aussi à ZineLibraries.info
L’ALA s’est aussi emparée du sujet en publiant un livre et en leur dédiant un pavillon durant leur conférence annuelle.
Et donc, mainstream, le fanzine ? Peut-être bien. En tout cas, il relève d’une culture libérée et décomplexée qui parle bien au blogueur que je suis. C’est pourquoi j’organise avec l’AGBD une visite de la FanzinoGe le 22 janvier 2025, sur inscription, si vous souhaitez découvrir cet univers.
Si vous en avez réalisés, n’hésitez pas à en faire la promo ci-dessous où à me mentionner sur Bluesky – et si vous êtes en Suisse romande, faites-en profiter la FanzinoGe !
Image de couverture: 1970 fanzines, CC BY StillUnusual….