Les bibliothécaires sont représentées au niveau local, national, et international par diverses associations. Mon billet du jour a pour but de vous présenter brièvement celles que j’ai eu l’occasion de côtoyer ces dernières années. Comme vous pouvez l’imaginer, c’est un billet très suisse, voire même genevois – mes excuses à nos voisines françaises.
Mais pour quoi faire ?
A quoi sert une association professionnelle ? Développement de carrière, formation, militantisme, information ou encore occasion de rencontrer d’autres passionnées d’un sujet qui nous regroupe ? C’est un peu de tout ça, à des degrés divers en fonction de l’association. C’est justement pour évoquer ces différences que j’ai pensé écrire ce billet.
Un aspect important les relie toutes : l’importance du réseau et des rencontres comme moyens d’acquérir, partager, voire créer des connaissances. Les échanges enrichissent, qu’ils soient au niveau local, national, ou international. J’évoque souvent l’importance qu’a pour moi Twitter comme outil de veille et de découverte des enjeux de nos métiers. Les associations jouent un rôle similaire sur un autre plan, plus concret et durable.
Dans le monde
IFLA : International Federation of Library Associations and Institutions
L’IFLA est la faîtière (#MotSuisseDuJour) mondiale des bibliothèques et des bibliothécaires – l’équivalent de la FITB pour le tchoukball (mais ça fonctionne aussi avec la FIFA et le CIO). Je n’en suis pas membre individuel, mais c’est en revanche le cas d’associations dont je suis membre, ou encore de la bibliothèque où je travaille. Ce statut de « membre collectif » me suffit, mais il est possible de la rejoindre directement.
L’IFLA soutient les associations nationales en termes de lobbying et de développement de capacités, édite un journal et une série de livres, et fait certainement beaucoup de choses qui m’échappent. Leurs efforts de lobbying au niveau international (sur les enjeux liés au droit d’auteur ou à la liberté d’accès à l’information par exemple) méritent aussi mon admiration. L’IFLA sait mobiliser les associations nationales et intervenir auprès d’organisations comme l’OMPI ou autres agences de l’ONU aussi clairement et efficacement que possible.
Elle organise également des conférences mondiales annuelles, les #WLIC (World Library and Information Congress) dont j’ai déjà dit beaucoup de bien dans d’autres billets. Après deux années sans (vous devinerez pourquoi), le congrès 2022 sera à nouveau en présentiel à Dublin (Irlande). De nombreuses bourses sont accordées aux jeunes professionnelles (y compris des étudiantes) pour y participer – renseignez-vous auprès de vos associations, c’est une expérience à ne pas manquer ! J’ai pu y participer en 2016 (Colombus, Ohio) et 2017 (Wrocław, Pologne) avec le soutien de l’AGBD, et je rêve d’y retourner un jour.
AIFBD : Association internationale francophone des bibliothécaires et documentalistes
La Francophonie réunit les bibliothécaires et institutions de nombreux pays. Le français est l’une des langues officielles de l’IFLA, et nos voisines françaises ne manquent pas de le rappeler au caucus francophone du congrès mentionné plus haut. Une association existe logiquement au niveau international pour favoriser la coopération entre pays de la Francophonie, notamment au niveau Nord-Sud.
Organisation de conférences et ateliers de formation, bourses, mais aussi mise en valeur des francophones pendant la conférence IFLA et co-organisation de conférences-satellites, ses activités sont variées et utiles. Evidemment, je n’en aurais pas parlé dans le cas contraire. Je n’en suis pas membre individuel, mais c’est ouvert à toutes. Un bon point à noter : les tarifs d’adhésion sont différents entre pays riches et ceux moins bien favorisés.
CFIBD : Comité français international-bibliothèques et documentation
Je ne comptais pas parler d’associations françaises, mais celle-ci mérite une exception. Elle est centrée sur les relations internationales des bibliothécaires et bibliothèques françaises. Le CFIBD est logiquement très impliqué dans le côté francophone de l’IFLA et les bourses permettant d’y assister, entre autres pour les francophones hors de France. Une partie notable de la représentation française et francophone du congrès WLIC y participe grâce à leur soutien.
Si vous cherchez la différence avec la précédente, dites-vous que le CFIBD, c’est la France et ses associations professionnelles qui s’ouvrent aux autres, contrairement à l’AIFBD dont les bibliothécaires et organisations françaises ne sont que des membres parmi d’autres. Ceci se retrouve par exemple dans la composition de leurs comités (clairement français d’un côté, et quotas continentaux de l’autre).
Internationales, mais spécialisées
LIBER (Ligue des Bibliothèques Européennes de Recherche)
Celle-ci est plus spécifiquement une association de bibliothèques que de bibliothécaires. Elle organise évidemment un congrès annuel (j’y suis allé en 2019 à Dublin), et les sujets traités concernent exclusivement l’Europe (géographique, pas politique) de la recherche.
Toutes les questions qu’on peut attendre (open science, éducation, copyright, etc.) y sont traitées. J’avoue que je m’en sens moins proche que de l’IFLA, malgré le fait que tout cela se rapproche de mes intérêts, peut-être parce que c’est plus institutionnel. J’en suis membre collectif via mon employeur.
IASSIST : International Association for Social Science Information Service and Technology
Celle-ci est une association internationale, mais spécialisée, cette fois. Elle regroupe un grand nombre de spécialistes des données de recherche dans le domaine des sciences sociales, dont de nombreuses bibliothécaires (mais pas seulement). Beaucoup d’Américaines, mais pas que – les représentantes Européennes sont bien présentes, notamment des autrices d’ouvrages de référence sur le sujet. J’en suis membre individuel.
Leur mailing-list est active mais pas trop, et permet d’en apprendre beaucoup sur les sources de données, les problèmes rencontrés, mais aussi de nouvelles solutions et des formations. IASSIST organise également un formidable congrès (que je n’ai malheureusement pu suivre qu’en ligne en 2021, mais auquel j’espère pouvoir participer l’année prochaine), moins massif et intimidant que le WLIC.
Ok, mais en Suisse ?
Bibliosuisse : l’association nationale bibliothèque et documentation
Née en 2018-2019 de la fusion entre BIS et CLP, elle accueille membres individuels et collectifs. C’est l’organisation principale de lobbying pour notre domaine au niveau national. Elle est impliquée dans les questions de droits d’auteur et d’autres sujets attenant aux bibliothèques et à l’information documentaire, comme un code éthique des bibliothécaires. Elle propose également un gros programme de formation continue, malheureusement un peu cher, même pour les membres.
Je suis membre individuel de Bibliosuisse (alors que je pourrais bénéficier du statut de membre collectif via mon employeur) parce que les enjeux politiques qui entourent les bibliothèques m’intéressent. Il me paraît donc important d’avoir une association forte au niveau national pour avoir une influence sur ces sujets. Bibliosuisse a une association-soeur du côté des archivistes, l’AAS, qui ne souhaite pas pour l’instant fusionner avec elle, mais je soupçonne que cela finira par arriver un jour.
Auparavant, les associations « de niche » du domaine (cantonales et thématiques) pouvaient être « groupes d’intérêt » de BIS sans que leurs membres doivent en faire individuellement partie. Ceci a changé avec la fusion, et ces petites associations doivent décider d’en devenir une section ou de s’en éloigner formellement, sans couper tous les ponts. C’est un choix que l’association suivante doit faire aujourd’hui.
AGBD : Association genevoise des bibliothécaires et professionnels diplômés en information documentaire
L’AGBD est née dans les années 1970 pour valoriser les diplômes de bibliothécaire face à une tendance des employeurs à recruter secrétaires ou (non-)diplômées d’autres domaines (lettres notamment) sans formation en information documentaire. C’est pourquoi elle réunit encore aujourd’hui uniquement des personnes physiques titulaires d’un diplôme reconnu (ou en cours de formation) et pas de personnes morales. Elle s’est toutefois ouverte aux autres domaines BDA (documentalistes et archivistes) vu l’évolution de la formation ID en Suisse.
Ce n’est pas un syndicat, mais elle a vocation à interpeller les institutions quand ses membres l’y appellent. Ces dernières années, cela s’est produit auprès de la Ville et de l’Etat de Genève, suite à des problèmes de recrutement (coucou les bibliothèques de la Ville) ou de révision des fonctions (le fameux projet SCORE de l’Etat, un serpent de mer qui reviendra un jour).
Que fait-on au sein de l’AGBD ? Nous organisons des événements, parfois en partenariat avec d’autres organisations. De petites conférences (midi-AGBD), parfois des formations plus conséquentes, mais surtout l’occasion de rencontrer des collègues et d’échanger sur la vie, l’univers, et le reste, dans et au-delà des métiers de l’information documentaire.
En partenariat avec les étudiantes de la HEG, nous éditons aussi Hors-Texte, bulletin de l’association qui tâte le pouls de la profession à Genève, en Romandie, et au-delà. Enfin, nous envoyons chaque année une boursière à la conférence annuelle de l’IFLA pour découvrir ce qui se fait ailleurs.
Et pourquoi tu nous parles de ça ?
Eh bien parce que comme de nombreuses associations, l’AGBD s’essoufle. Son comité est réduit comme peau de chagrin alors que sa situation financière est (très) bonne. Ses membres vieillissent, et l’existence de sa structure juridique paraît trop lourde à l’heure des réseaux sociaux numériques. Pourtant, son rôle de réseau d’échange et d’apprentissage n’est pas en cause – j’ai rencontré des professionnelles formidables et appris beaucoup dans ce cadre, comme d’autres avant et après moi.
S’il y a trois ans la question me paraissait déplacée, je pense aujourd’hui que nous vivrions mieux comme section de Bibliosuisse. Nos projets pourraient prospérer avec moins de pression administrative et juridique, les collaborations avec d’autres sections cantonales ou régionales se renforcer, et nous pourrions développer des activités sociales et culturelles sur un modèle plus proche du forum des archivistes genevois, par exemple.
Ailleurs en Romandie, on trouve un équivalent de l’AGBD dans le canton de Vaud : le GRBV a rejoint Bibliosuisse en tant que section. Les associations locales de bibliothécaires ont disparu dans les autres cantons, où il ne reste que des associations de bibliothèques, et ce n’est pas (que) la faute du COVID-19. L’option principale reste donc l’association nationale et ses sections, dont Biblioromandie.
Mais je ne suis pas Genevoise !
La question va au-delà de ça, en fait. Quoi qu’il arrive à l’association dans les semaines et mois qui viennent, je ne peux qu’inviter mes lectrices à s’investir dans leurs associations ou au moins à les soutenir et à participer à certaines activités.
Engagez-vous ! Rengagez-vous ! C’est certes bon pour la collectivité, mais je vous promets que ça l’est également pour chacune au niveau individuel. Et bien sûr, si vous n’avez pas le temps ou les ressources nécessaires, prenez au moins la peine d’échanger avec vos collègues sur les réseaux sociaux (dont bien sûr Twitter).
D’ailleurs, si vous me croisez lors d’une conférence ou autre événement, je serais heureux de faire votre connaissance et de vous présenter d’autres membres. N’hésitez pas à venir me dire bonjour, même si vous êtes timide : je ne mords que si c’est demandé poliment.
Féminin neutre, comme souvent, parce que je suis une bibliothécaire comme les autres.
Trois billets en deux jours ? Certes, mais celui-ci et l’un des deux autres était dans les brouillons depuis plus d’un an. Il était temps de les publier.
Je vous ai dit que l’AGBD, Bibliosuisse, l’AIFBD et le CFIBD proposaient des bourses pour participer au WLIC ? Eh bien je le répète, parce que c’est vraiment une expérience exceptionnelle.
Illustration: Four hands, Floris Deerenberg, Wiki Commons, CC0.