Une session dont le sujet n’est pas vraiment dans mes intérêts habituels, mais qui s’est révélée passionnante.
Evaluating our worth: how can we quantify the value of libraries and information centers?
What is the value proposition for academic and public libraries globally? How do both types of libraries effectively measure their collections and services beyond the usual methods like cost per use or the number of queries answered annually? What are the best methods for advocating for funding for our library?
En marche ! (Non, pas avec lui)
Parlons d’argent
Assessing the economic value of public library collections and services : a timely review and meta-analysis – Jennifer Arns, University of South Carolina, United States
Premier point de l’intervention : les bibliothèques publiques ne sont pas un bien commun, mais un bien tutélaire. Leur influence est jugée positive et nécessaire, mais leur effet est difficile à quantifier.
On assiste à peu de mouvements exigeant la création d’une bibliothèque ou son entretien, mais pourtant les menaces de fermeture causent la plupart du temps des réactions extrêmement fortes.
La question de recherche principale : existe-t-il des preuves fiables de la contribution des bibliothèques publiques à la prospérité économique des communautés qu’elles servent ? Les premiers résultats semblent positifs : les retombées pour la prospérité économique d’une communauté seraient de 5 à 6 USD pour chaque dollar dépensé pour la bibliothèque.
Un autre élément, anecdotique mais intéressant : d’après des sondages, la population estime qu’une bibliothèque publique justifie un investissement de 7.80 USD par personne. Dans la réalité, les dépenses publiques sont aux alentours de 6 USD.
En public(s)
Creating value in the context of the Singapore experience – Tay Ai Cheng, National Library Board, Singapore
La leçon principale de cette intervention : la bibliothèque doit savoir s’adapter à ses publics. « Adultes » et « jeunesse », c’est un début, mais de multiples sous-catégories existent. Offrir des services personnalisés de manière plus fine permet d’accroître l’impact et la pertinence d’une bibliothèque. Pas vraiment de mesure proposée de ceux-ci dans mes souvenirs.
Place des Nations
National libraries’ perspectives on value – Patrice Landry, Swiss National Library, Switzerland
Difficile d’évaluer l’impact des 150 bibliothèques nationales, tant leurs rôles sont divers et particuliers. Les contraintes géographiques, par exemple, sont différentes entre un territoire de la dimension du Canada et celui de la Suisse : se déplacer à la BN n’a pas le même coût en temps et en argent. De plus les données manquent : il faut généralement se baser sur les rapports annuels faute de mieux. Comme ces institutions sont rares, la comparaison ne peut être que mondiale, mais inclura des caractéristiques très différentes.
Avant, les BN disposaient d’une forme de monopole. Depuis le début du XXIème siècle, les collections numériques sont décentralisées. L’open-access s’élargit, y compris au niveau physique : l’accès aux BN se démocratise, en même temps qu’on ouvre les métadonnées. Ces institutions ne sont plus des dépôts de collections, mais des institutions de recherche.
Plus que le calcul de l’impact économique, les efforts se portent sur la compréhension des fonctions actuelles, qui est nécessaire pour en évaluer les résultats. Il n’y a pas de consensus sur celles-ci, mais un nouveau standard ISO est en discussion : celui portant sur les bibliothèques académiques ou de lecture publique ne correspond pas à la réalité des BN. Les données qualitatives sont difficiles à identifier, et les fonctions patrimoniales et de recherche doivent être prises en compte en même temps. L’objectif ? Un rapport pour fin 2017.
Le R.O.I., c’est moi
Do Academic Libraries Matter? Making the Case for Essential and Vital / James Neal, Columbia University, United States
James Neal, nouveau président de l’ALA, avait publié « Stop the madness : the insanity of ROI and the need for new qualitative measures of academic library success » en 2011. Il n’a pas changé d’avis.
Evaluer les bibliothèques académiques nécessite la compréhension des changements rapides de paradigme au niveau des services. Implémenter les nouvelles technologies, c’est bien. Mais les rendre efficaces est le véritable objectif. Les anciens étudiants ne comprennent pas pourquoi ils perdent accès aux données numériques après leur scolarité. Pourrait-on poursuivre leur accompagnement après leur formation ?
La qualité la plus importante des bibliothèques est de répondre aux besoins et attentes des utilisateurs. Mais il faut pour ça les connaître, et ils sont bien plus divers que ne le pensent les bibliothécaires académiques. Il faut les écouter, échanger avec eux, avoir une approche qualitative. De même, nous devons imaginer des outils avancés d’évaluation permettant de prendre en compte des aspects humains.
Ce ne sont que quelques-uns des points évoqués. Dans cette présentation, j’ai jugé difficile de séparer ce qui était important de l’enfonçage de portes ouvertes. Après deux interventions de James Neal durant le congrès, je tends à penser que c’est lié au fait qu’il essaie de parler de tout et de lancer des idées. A chacun d’y prendre des éléments et de s’en nourrir. L’abstract de l’intervention est disponible en ligne.
Benjaminill Gates et le trésor des bibliothécaires
Value proposition: serving « information poor » – metrics and approach of Global Libraries – Jeremy Paley, Global Libraries, Bill & Melinda Gates Foundation, United States
Outputs contre outcomes – voilà le sujet principal de cette présentation. Alors que les métriques quantitatives (outputs) indiquent un désamour pour les bibliothèques, nous devons trouver les raisons pour lesquelles poursuivre notre tâche. Ce n’est pas en mesurant les prêts et les passages (tous deux en baisse) que nous justifierons de notre valeur. Dire que nous donnons accès à l’information, c’est bien, mais pas suffisant.
C’est en montrant notre impact réel et pratique sur la vie de nos utilisateurs et de la communauté environnante. Si l’objectif est d’améliorer la vie de populations qui ont un accès moins facile à l’information et de les « capaciter », c’est sur ces résultats qu’il faut enquêter pour positionner les bibliothèques comme des éléments critiques dans ce projet.
La mesure d’impact (outcomes) doit mesurer l’évolution en termes de compétences, de perceptions, de comportement, de qualité de vie, et de condition socio-économique. Les témoignages d’utilisateurs ont de la valeur pour les décideurs, de même que les enquêtes effectuées sur la durée. Mais ce changement de vision n’est pas aisé. De telles mesures sont plus complexes – ne serait-ce que pour choisir où commencer, et sans parler du coût de telles enquêtes. Il n’y a même pas de cadre et de critères standardisés pour une telle évaluation.
Jeremy Paley a donc présenté différents outils et cadres d’évaluation. Impact Survey, un projet de l’université de Washington, propose une solution de sondage d’utilisateurs sur le web « facile à installer », auquel 75’000 lecteurs de 1’400 bibliothèques ont déjà participé. Autre solution, LibraryEdge propose des benchmarks pour les bibliothèques de lecture publique. L’ALA n’est pas en reste avec Project Outcome, dont les outils et autres formations permettent d’étudier le sujet. D’autres projets et frameworks existent encore, qui s’attachent particulièrement à tel ou tel point en fonction des objectifs de l’institution.
La Fondation Bill & Melinda Gates a par ailleurs lancé un atlas global de données sur les bibliothèques (encore en cours de développement) qui réunit de nombreuses informations permettant des comparaisons à mettre en rapport avec les objectifs de développement durable (SDG) de l’ONU. Réunir des données largement, c’est aussi ce que fait la campagne Public Libraries 2020 dans l’UE, dans le but de favoriser l’inclusion sociale et numérique.
Le message final : ne soyons pas modestes quant aux effets qu’une bibliothèque peut avoir sur la vie de ses utilisateurs. Collaborons et partageons nos études sur le sujet – ce sera bon pour tout le monde.